Tanya Eichler, Maude Champagne et Michelle Hogeterp.

 9 septembre 2018

Marche de sensibilisation sur le TSAF à Ottawa

Bien des parents—parfois à bout de souffle—me consultent pour apprendre à mieux gérer les comportements de leur enfant. Plusieurs enfants adoptés ou en famille d’accueil ont été exposés à l’alcool durant la grossesse et ont aussi souffert de grands traumatismes, que ce soit de la négligence, le changement continu des pourvoyeurs de soins, de même que des abus divers. Les parents, désemparés, cherchent des réponses aux comportements perturbateurs de leurs enfants en raison de leur trajectoire de vie. Étant donné mon expertise dans les champs du trauma complexe et du Trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF), les parents que je rencontre me posent souvent les questions suivantes :

Prenons l’exemple de Pascal (dont le prénom et la situation sont entièrement fictifs). Pascal a été adopté à l’âge de 8 ans en provenance de l’Ukraine. Son histoire prénatale est inconnue et donc il est difficile de confirmer s’il a un TSAF ou non[1]. De cette histoire, nous savons seulement qu’il a passé plusieurs années en orphelinat après avoir vécu avec sa famille biologique; par contre, il a dû s’en séparer pour des raisons de négligence, abus physiques et violence conjugale. Pascal a un type d’attachement désorganisé, c’est-à-dire qu’il a de la difficulté à faire confiance aux adultes. Ses parents rapportent qu’il est très impulsif, qu’il manque d’empathie envers les autres, vol les biens d’autrui et ment constamment. Ils se demandent comment réagir; ils s’interrogent à propos de la cause de ces comportements : est-ce qu’il s’agit de mauvais choix? Est-ce relié au trauma? Est-ce que c’est plutôt caractéristique d’un TSAF? Les parents de Pascal ont « tout » essayé : punitions, récompense, explications… Rien n’y fait.

Pour mieux cerner la nature du comportement de Pascal, nous devons aussi comprendre comment fonctionne son cerveau, car c’est de là que proviennent nos pensées, nos décisions et nos comportements. Durant la grossesse, un fœtus exposé à l’alcool—un tératogène et une neurotoxine—ne se développera pas normalement. Nous verrons souvent diverses malformations, que ce soit des malformations cardiaques ou des fissures palatines. Nous observerons surtout des troubles cognitifs, après coup. Ces enfants auront des troubles de mémoire, d’apprentissage, des difficultés avec leur jugement et aussi à contrôler leurs émotions et leurs impulsions.

Après la naissance, le cerveau de l’enfant et ses capacités cognitives continuent de se développer. La constance dans les soins de bases et un attachement sécuritaire sont les éléments essentiels pour le développement sain de l’enfant. Malheureusement, plusieurs enfants n’ont pas un environnement familial adéquat; un Trauma complexe [ Développemental Trauma] se développe alors, ce qui affecte ainsi le développement cognitif et émotionnel de l’enfant. Nous observons alors des répercussions très similaires au TSAF : difficultés émotionnelles et comportementales, troubles d’apprentissage et de mémoire, de même que les conséquences sociales et affectives de ces déficits.

Revenons à Pascal qui ment, vol et manque d’empathie… est-ce le TSAF, est-ce le trauma ? Lorsque l’on considère le comportement à la lumière du vécu de l’enfant, on comprend alors que ses comportements sont reliés à un développement dysfonctionnel de son cerveau, dû notamment au Trauma complexe ou à l’alcool in utero[2]. La raison n’est pas si importante que cela… L’important, c’est que l’on considère que les comportements sont dus à un développement cognitif inadéquat. Tenter de punir l’enfant ou d’utiliser toutes sortes de techniques comportementales ne fera qu’empirer la situation. Par exemple, utiliser la raison en temps de crise risque d’empirer la situation. Dans les deux cas, l’utilisation d’une approche qui tient compte du développement du cerveau de l’enfant est recommandée. Les spécialistes d’OCATT sont en mesure d’aider les parents de Pascal à adopter un autre regard sur ses comportements, d’adapter l’environnement à ses besoins, de gérer les éléments déclencheurs et stressants, mais aussi de développer un plan afin d’améliorer ses fonctions de régulations émotionnelles et cognitives. Certainement, le TSAF et le trauma causent des dommages permanents, mais nous savons maintenant que ces effets peuvent être grandement améliorés par le choix d’approches parentales appropriées et la thérapie dyadique développementale. Voici quelques recommandations élémentaires :

1— Un milieu de vie stable et enrichissant est le principal facteur reconnu pour obtenir des résultats positifs.

2— Puisque le comportement de l’enfant est souvent causé par l’anxiété, un spécialiste peut vous aider à déterminer comment répondre à ses besoins émotionnels.

3—Il faut promouvoir un lien d’attachement sécurisé votre enfant et vous.

4— En tant que parent, il faut prendre bien soin de vous-même, physiquement et émotionnellement.

5— Assurez-vous que vos interventions correspondent à l’âge de développement de votre enfant (et non à l’âge chronologique).

6— Il est possible de se renseigner pour en savoir plus sur les stratégies pour soutenir une personne ayant un handicap de développement.

7— Misez aussi sur les forces et intérêts de votre enfant !

Il existe de nombreuses ressources pour vous aider à répondre aux besoins de votre enfant atteint de TSAF en matière de santé mentale. Visitez notre site Web pour plus de ressources et d’informations.

Maude Champagne, RSW


[1] Pour avoir un diagnostic officiel de TSAF, nous avons besoin d’une confirmation de la mère de consommation d’alcool durant la grosses à moins que la personne ait les trois traits faciaux caractéristique qui sont présents chez seulement 10% d’entre eux.

[2] Il y a une multitude de facteurs qui altère le développement cognitif adéquat chez l’enfant outre le trauma et l’exposition à l’alcool durant la grossesse.